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Sterne de Dougall (Sterna dougallii)
Fig. 1 - Wikipédia
Fig. 1

Sterne de Dougall, Sterna dougallii (Montagu, 1813)

Classification (Ordre, Famille) : Charadriiformes, Sternidae

Description de l’espèce

Sterne de taille moyenne ou assez petite, la Sterne de Dougall se caractérise par une coloration blanche. Cependant, sous une lumière terne, la nuance gris pâle du manteau se révèle. L’adulte présente également une délicate teinte rosée sur la poitrine ce qui explique son nom anglais « Roseate Tern ». Le bec est violacé presque noir en début de saison de reproduction et a tendance à s'éclaircir par la suite depuis la base qui devient rouge. Les pattes sont d'un rouge orangé brillant. En vol, les filets de la queue sont extrêmement longs. En automne, le triangle noirâtre des rémiges primaires contraste particulièrement avec la blancheur du reste du corps (HARRIS et al., 1992). Le front devient blanc en plumage internuptial. Le jeune de l’année montre des marques noires ou gris foncé, en chevrons, surtout sur le dos, mais aussi sur les couvertures. Le bec, un peu plus court que celui de l’adulte, est entièrement noir ou gris foncé ; la calotte est d’un brun-noir assez terne.

Aucun dimorphisme sexuel ne permet de distinguer aisément les mâles des femelles sur le terrain.

L’adulte commence sa mue postnuptiale dès la fin-juin et acquière progressivement son plumage « hivernal ». C'est aussi fin juin que la mue des rémiges commence et peut se poursuivre jusqu'au démarrage de la mue prénuptiale en fin d'hiver. Une mue prénuptiale partielle (tête, dos, queue, ventre et rémiges primaires internes) prend place entre mi-février et fin mars. Elle est terminée lorsque les oiseaux arrivent sur les sites de reproduction. Peu d'informations sont disponibles concernant les oiseaux de l’année. Leur mue s'effectue dans le courant de l'hiver (CRAMP et al., 1985).

La Sterne de Dougall pousse des cris râpeux très caractéristiques qui rappellent ceux de la Sterne caugek, surtout sur les sites de reproduction (Tous les oiseaux d’Europe, Jean-Claude Roché, CD n° 2, plage n° 80).

Longueur totale du corps : 33 à 43 cm. Poids : 90 à 125 g.

Difficultés d’identification (similitudes)

De part sa taille, son allure et ses teintes générales, la Sterne de Dougall peut paraître similaire à la Sterne pierregarin S. hirundo ou à la Sterne arctique S. paradisaea, mais la blancheur de son manteau et les longs filets de la queue permettent la distinction avec ces deux espèces au plumage du dos d’un gris plus soutenu. Par ailleurs, en fin de saison de reproduction, certains individus au bec franchement rouge à pointe noire peuvent faire penser à la Sterne pierregarin mais le noir du bec est cependant plus étendu chez la Sterne de Dougall.

Par bien des critères, la Sterne de Dougall rappelle en fait la Sterne caugek Sterna sandvicensis, mais la différence de taille entre les deux espèces, l'absence de longs filets chez la caugek et leur cri respectif, les différencient. Le jeune de l'année est difficilement discernable du jeune de la Sterne caugek tant leur plumage est semblable. Seule la taille, si elle est évaluable, mais surtout la présence d'un adulte à proximité permettent de confirmer une identification de jeune Sterne de Dougall.

Répartition géographique

L’espèce est polytypique, avec cinq sous-espèces décrites.

L’aire de répartition mondiale de la Sterne de Dougall est très vaste et couvre tous les océans. C'est en Europe que sa répartition est la plus limitée et où la population est la moins abondante avec 1800-1900 couples nicheurs (BIRDLIFE INTERNATIONNAL, 2004). Elle niche dans les Îles Britanniques en Écosse, au Pays de Galle, en Angleterre et en Irlande qui abrite 40% de la population européenne, la plus grosse colonie européenne étant celle de Rockabill avec 32% des effectifs irlandais (RATCLIFFE, 2002). Elle niche au Portugal dans l'archipel des Açores qui accueille 54% de la population européenne ainsi qu'à Madère (0-15 couples). Un à deux couples nichent également en Espagne dans les îles Canaries. La France accueille en Bretagne 4% de la population européenne.

En France, il semble qu'elle n’ait jamais niché ailleurs qu'en Bretagne. Elle y est découverte en 1874 en baie de Morlaix (CADIOU et al., 2004). Par la suite, les colonies les plus importantes ont été celle de l'archipel de Molène avec 444 couples en 1955 et celle de l'île de Trévorc'h en 1969 avec 600 couples dans le Finistère. Depuis la fin des années 1980, la sterne de Dougall niche principalement sur la colonie de l'île aux Dames en baie de Morlaix, dans le Finistère (entre 70 et 76 couples de 2002 à 2005) avec 108 couples en 1996 représentant l'effectif nicheur le plus important de ces vingt-cinq dernières années en France. Historiquement, depuis les années 1950, la Sterne de Dougall a niché de manière plus ou moins régulière sur 41 sites différents, tous étant des îlots situés en Bretagne.

En migration, les observations côtières plutôt rares suggèrent une dispersion pélagique rapide. Néanmoins, la Sterne de Dougall peut se rencontrer de façon régulière en quelques points localisés du littoral, généralement abrités dans des baies. Dès la mi-juillet et jusqu'à fin septembre, certains de ces endroits sont fréquentés régulièrement comme en baie de Lancieux et en baie de Saint-Brieuc dans les Côtes d'Armor (LE PROVOST, 2004 a et b ; MAOUT & LE MAO, 2000 ; MAOUT & MAUVIEUX, 2004), voire annuellement dans le golfe du Morbihan (MAOUT, 1997, 1998 ; MAOUT & LE MAO, 2000, 2001 ; MAOUT & MAUVIEUX, 2004 ; LE MAO & MAOUT, 1999, 2002), au point de constituer de véritables sites de halte migratoire. Ainsi, Larmor-Baden dans le Morbihan qui constitue vraisemblablement la halte la plus importante en France, accueille chaque année des adultes et des jeunes, parfois dès la fin juillet et jusqu'à fin septembre, et peut rassembler jusqu'à plusieurs dizaines d'individus. Sur ce site, un récent contrôle de bague en août 2006 sur un juvénile montre qu'une partie des oiseaux au moins provient de la colonie de Rockabill en Irlande (LE NEVÉ & DRUNAT, comm. pers.).

L’espèce hiverne – pour ce qui est des nicheurs européens – le long des côtes ouest africaines, principalement dans le golfe de Guinée, entre la Guinée et le Gabon (DEL HOYO et al., op. cit.). Un jeune oiseau bagué en baie de Morlaix en 1993 a été retrouvé mort sur une plage de Côte-d'Ivoire en décembre de la même année (CADIOU, 2002). Il existe également quelques mouvements d'oiseaux entre l'Europe et les continents américains comme l'atteste un individu bagué en février 2000 au Brésil et contrôlé nicheur la même année aux Açores (HAYS et al., 2002) ou un autre bagué en Irlande et retrouvé dans une colonie du Massachusetts (NISBET & CABOT, 1995).

Les aires d'hivernage des autres populations mondiales sont moins bien connues (DEL HOYO et al., op. cit.).

Écologie

Exclusivement marine, la Sterne de Dougall fréquente, en période de reproduction, les îlots côtiers rocheux, sableux ou coralliens (DEL HOYO et al., op. cit.). En France et en Europe, il s'agira principalement d'îlots rocheux. Bien que nichant en sympatrie avec d'autres espèces de sternes qui nichent à découvert, elle recherchera sur ces colonies des endroits abrités par la végétation ou par les rochers. Elle affectionne particulièrement la Lavatère arborescente Lavatera arborea, qui se développe naturellement sur les sols nitrophiles des colonies d'oiseaux de mer.

Elle se reproduit très rarement en marais salants : un seul cas connu en France en 1985 dans les marais salants de Guérande.

Hors reproduction, elle est marine et fréquente les plages et les côtes rocheuses pour s’y reposer ou se nourrir alentour. Elle est pélagique au moment de ses déplacements migratoires (CRAMP, 1985).

Comportement

Au printemps, les premiers oiseaux reproducteurs en France sont de retour sur les colonies à partir de la fin avril mais c’est principalement début mai que se font les installations (LE NEVÉ, 2003 ; LE NEVÉ, 2004 ; LE NEVÉ, 2005a). L’espèce est alors très grégaire comme en période de repos. Pour se nourrir, elle peut être plus solitaire que la Sterne pierregarin, laquelle peut former des groupes d'oiseaux importants. Elle niche en colonies denses, mais en Europe celles-ci ont rarement dépassé le millier de couples : 2 000 couples sur Tern Island en Irlande en 1962 (CRAMP, 1985). En Amérique et en Europe, le grégarisme de la Sterne de Dougall en période de reproduction se manifeste également à l'égard des autres espèces de sternes, principalement la Sterne pierregarin, auxquelles elle semble s'associer systématiquement (CRAMP, 1985). Ainsi, la Sterne de Dougall en Bretagne semble n'avoir jamais niché seule mais toujours en compagnie de la Sterne pierregarin et/ou de la Sterne caugek. Sous les tropiques cependant, des cas de reproduction isolée des autres espèces existent (CRAMP, 1985).

Souvent, les oiseaux reviennent nicher dans la même colonie, surtout ceux qui s’y sont reproduits avec succès l’année précédente. Mais certains d’entre eux peuvent nicher ailleurs, parfois loin de leur colonie d’origine. De façon générale pour les espèces d’oiseaux d’eau coloniaux, le succès de la reproduction semble déterminant pour la pérennité d’une colonie (PERENNOU et al., 1996). Si un site devient défavorable en raison de perturbations annuelles et répétées avec échec ou mauvaise reproduction, la colonie désertera le site à la recherche d’un endroit plus propice. La Sterne de Dougall apparaît toutefois plus sensible que la Sterne pierregarin. Ainsi entre 1950 et 2004 en Bretagne, sur 18 désertions (avec une double désertion sur un site) de colonies mixtes Sterne de Dougall Sterne pierregarin et/ou Sternes caugek, trois sites seulement ont été recolonisés par les sternes et un seul de façon durable par la Sterne de Dougall (LE NEVÉ, op. cit.).

A la fin de l’été, les oiseaux s’éparpillent vers des sites traditionnels d’alimentation. Certains de ces sites sont situés sur la voie de migration comme celui du golfe du Morbihan, mais d'autres pourraient en être éloignés. Ainsi, il est soupçonné que ce soit les oiseaux de l'île aux Dames en Finistère, qui s’observent 200 Km à l'est sur l'île de la Colombière en Côtes d'Armor dès la mi-juillet et en août (LE NEVÉ, op. cit.).

Le grégarisme de l'espèce se retrouve aussi en migration qui se pratique souvent en groupes familiaux (à l’automne). Sur le site de halte migratoire du golfe du Morbihan, il n'est pas rare d'observer des jeunes quémandant toujours de la nourriture à leurs parents qui les accompagnent.

En hiver, la Guifette noire Chlidonias niger et l'ensemble des espèces de sternes du Paléarctique occidental s'associent pour former des groupes mixtes (CRAMP, 1985).

L’espèce reste très occasionnelle à l’intérieur des terres. Par exemple, elle n'a été vue qu'une fois en Suisse avant 1950 et jamais depuis (http://ebn.unige.ch/ebn/chklst.html).

Reproduction et dynamique des populations

Dès le retour sur les colonies, les adultes s’engagent dans la parade nuptiale. Les couples sont monogames et persistent d’une année sur l’autre. Il est possible que le couple reste uni pendant la période internuptiale. Le nid est généralement abrité sous la végétation ou sous un rocher. Il s'agit d'une simple excavation creusée dans le sol (sable, graviers), parfois garnie de débris végétaux ou de tout autre matériau naturel disponible (coquilles). Il est bâti par les deux adultes.

Un ou deux œufs sont pondus. Ils sont de couleur crème plus ou moins mâchurés ou tachetés de gris, noir ou brun, ressemblant fortement à ceux de la Sterne pierregarin. Il n’y a qu’une seule ponte, sauf lors d’une destruction qui surviendrait en début de saison de reproduction : dans ce cas, une ponte de remplacement est possible.

L’incubation est prise en charge par les deux parents. Elle dure en moyenne 23 jours, mais peut aller jusqu'à 31 jours en cas de désertions fréquentes causées par des dérangements (CRAMP, 1985).

Les jeunes sont semi-nidifuges, c'est-à-dire qu’ils restent quelques jours au nid, jusqu'à 15 ou 20 jours. Ensuite, ils se regroupent pour former des « crèches » où les deux adultes viennent les nourrir. L’envol a lieu à l'âge de 27 à 30 jours, mais les jeunes vont rester ensuite avec leurs parents pendant plusieurs mois, y compris en migration et en début d’hivernage, période pendant laquelle ils continuent à être nourris (CRAMP, 1985).

La plupart des oiseaux se reproduit pour la première fois à trois ans, parfois à deux (CRAMP, 1985).

Le taux de succès à l’envol varie entre 80 et 95 % des jeunes nés (CRAMP, 1985). En France, entre 1996 et 2004, le succès de reproduction moyen est de 0,69-0,82 jeune/couple pour 99 % des couples nicheurs suivis par observation à distance jusqu'à l'envol des jeunes. Cette moyenne cache cependant de fortes variations. Ainsi, elle chute à 0,1 jeune/couple en 1997 à la suite d'une prédation par le Vison d'Amérique Mustela vison et elle est maximale en 2002 avec 0,84-1,11 jeune/couple (LE NEVÉ, 2005a). La production peut être considérée mauvaise lorsqu’elle est comprise entre 0 et 0,1 jeune/couple, moyenne entre 0,1 et 0,5, bonne de 0,5 à 1,0 et très bonne au-delà de 1,0 jeune par couple (SADOUL, 1996).

La longévité maximale observée est de 25,6 ans (HAYS et al., 1999).

Régime alimentaire

La Sterne de Dougall est essentiellement piscivore. Elle se nourrit de spécimens d’espèces de petite taille (sardines Sardinella sp., lançons Ammodytes sp., harengs et sprats Clupea sp.) qu’elle capture à la surface de l’eau en plongeant, souvent précédé d’un vol sur place. En Afrique de l'est, elle a été observée à capturer des invertébrés poussés vers la surface par des chasses de bonites Sarda ou de thons Thunnus (Cramp, op. cit.).

Habitats de l’Annexe I de la Directive Habitats susceptibles d’être concernés

1130 - Estuaires (Cor. 11.2 et 13.2)

1140 - Replats boueux ou sableux exondés à marée basse (Cor. 14)

1160 - Grandes criques et baies peu profondes (Cor. 12)

1430 - Végétations halo-nitrophiles des colonies d'oiseaux marins, méditerranéennes et thermo-atlantiques (Cor. 15.72)

Statut juridique de l’espèce

La Sterne de Dougall est une espèce protégée en France (Arrêté modifié du 17 avril 1981), inscrite à l’Annexe I de la Directive Oiseaux, à l’Annexe II de la Convention de Berne et à l’Annexe II de la Convention de Bonn (CADIOU, 1999).

Espèce listée en catégorie A1c dans l’Accord sur les Oiseaux migrateurs d’Afrique-Eurasie (AEWA) : populations d’Europe comptant moins de 10 000 individus.

Présence de l’espèce dans les espaces protégés

L'île aux Dames en baie de Morlaix (Finistère) qui héberge l'essentiel des effectifs français reproducteurs est protégée par un arrêté préfectoral de protection de biotope pour la partie terrestre et le domaine public maritime depuis 1991 (LE NEVÉ, 2005b). Tous les autres sites qui ont accueilli ces dernières années quelques couples nicheurs, bénéficient également de protection juridique : l'île de la Colombière est protégée par un arrêté préfectoral de protection de biotope depuis 1985 et est propriété du Conseil général des Côtes d'Armor au titre des espaces naturels sensibles tout comme l'île au Moine (île Notre Dame) dans la Rance qui est propriété du Conseil général d'Ille-et-Vilaine. L'île aux Moutons est protégée par un arrêté préfectoral de protection de biotope depuis 1999 sur la partie terrestre et depuis 2005 sur la partie maritime. Tous ces sites sont également classés en ZPS, ainsi que d'anciennes colonies aujourd'hui désertées comme Trévorc'h (Finistère).

L'île de la Colombière est le seul site de halte migratoire régulière en France à bénéficier d’un statut de protection particulier.

État des populations et tendances d’évolution des effectifs

Au plan mondial, la Sterne de Dougall n'est pas une espèce menacée et n'est pas inscrite en liste rouge de l'UICN. La population est estimée à 50 000 couples (DEL HOYO et al., 1996).

En raison d’effectifs européens marginaux, son statut de conservation, jugé « rare », est défavorable en Europe (BIRDLIFE INTERNATIONNAL, 2004). On peut cependant noter une amélioration puisque l’espèce était considérée comme « en danger » en 1994 (BIRDLIFE INTERNATIONNAL, 2000). En effet, après avoir fortement déclinés entre 1970 et 1990, les effectifs nicheurs européens se sont stabilisés dans les années 1990.

La population européenne de Sterne de Dougall est estimée entre 1 800 et 1 900 couples au début des années 2000. Les pays qui accueillent le plus grand nombre d’oiseaux nicheurs sont le Portugal aux Açores (1 000 couples) et l'Irlande (719 couples), la Grande-Bretagne (56 couples) (BIRDLIFE INTERNATIONNAL, 2004).

Au plan national, depuis les années 1990, on observe une concentration des effectifs nicheurs sur un nombre limité de colonies. Ainsi, sept colonies sont occupées en moyenne tous les ans entre 1954 et 1969, pour deux seulement entre 1991 et 2005. Entre 1989 et 2005, l'île aux Dames a accueilli en moyenne par an 98 % des effectifs nicheurs français. A deux reprises en 1999 et en 2003, elle a même accueilli 100 % de la population française (LE NEVÉ, op. cit.).

Entre 2002 et 2005, l'effectif nicheur national se situe en moyenne autour de 75 couples (CADIOU & LE NEVÉ, 2006 ; DRUNAT et al., 2006), soit 4,3 % de la population européenne. Il faut cependant noter une lente érosion des effectifs nicheurs en France depuis 1996, date à laquelle ils étaient de 109 couples, contre 76 couples en 2005. Au cours de cette période de 9 années, le taux de déclin est de -2,6 % par an (LE NEVÉ, op. cit.).

Mais globalement, les effectifs nationaux observés depuis 1981 sont relativement stables et faibles, oscillant entre un minimum de 50 couples nicheurs en 1982 et un maximum de 109 en 1989 et 1996. Ces effectifs sont très en dessous de la population nicheuse des années 1950 et 1960 qui pouvait atteindre au plus fort de cette période, 577 couples en 1955, 827 en 1967, 580 en 1968 et 1969. Ainsi entre 1954 et 1973, la population reproductrice annuelle moyenne en France (toujours localisée en Bretagne) est de 398 couples nicheurs, pour 83 entre 1981 et 2005. Dans les années 1970, la population s'est effondrée. Le plus bas niveau a été atteint en 1977 avec 27 couples nicheurs. Cet effondrement s'est traduit par une redistribution des colonies, désertant notamment les îlots du sud Bretagne pour s'installer sur ceux du nord de la région.

Depuis le suivi des colonies de sternes en Bretagne dans les années 1950, une remontée vers la côte nord des colonies de Sternes de Dougall a été observée, alors que les plus importantes d'entre elles étaient installées au sud dans les années 1950 et 1960. On ignore encore si ce changement de localité est lié à une modification des ressources alimentaires et à des causes physiques (température de l'eau, ensoleillement, etc.) modifiant les relations trophiques entre phytoplancton et zooplancton, et la survie des larves de poissons (CADIOU et al., 2004), ou s'il est à mettre en relation avec la disparition de sites favorable à leur reproduction, qui restent aujourd'hui encore défavorables à l'accueil des sternes.

Menaces potentielles

Nichant à terre, en colonies mixtes et denses, isolées et repérables de loin en raison du peu de végétation et du vacarme généré par l'activité des oiseaux, la Sterne de Dougall, à l'instar des autres espèces de sternes est facilement vulnérable lorsqu'elle niche.

Dérangements liés aux activités humaines

Le développement des activités de loisirs nautiques, dans les années 1970, a certainement fortement contribué aux multiples transferts de colonies observés depuis lors. La pression des dérangements d'origine humaine est fort probablement la cause du déclin général de la population de Sterne de Dougall à partir de 1974. Ce dérangement peut se traduire par une destruction directe des pontes ou des poussins, ce qui est maintenant de plus en plus rare (sauf par le vagabondage des chiens) en raison de la sensibilité croissante des usagers de la mer. Cependant, le simple envol des adultes et les mouvements de panique au sein des colonies peuvent entraîner la perte des œufs et des poussins par leur déplacement et leur piétinement. De plus, si les adultes sont absents trop longuement, les œufs ou les poussins récemment éclos risquent une hypothermie fatale. Aujourd'hui, ce type de dérangement involontaire peut être provoqué par des engins rapides et bruyants tels que les jets-skis ou à l'opposé, par des bateaux discrets et passe-partout capables de s'approcher et d'accoster très près d'une colonie tels que les kayaks de mer.

En outre, la concentration des colonies sur un nombre de sites de plus en plus faible accroît la sensibilité de l’espèce aux perturbations.

Prédation

Parmi les prédateurs, les espèces commensales de l'homme (chiens errants, rats Rattus sp., Goélands argentés, bruns ou marins Larus argentatus, fuscus, marinus) et les espèces invasives (Vison d'Amérique, Mustela vison, Ibis sacré Threskiornis aethiopicus) sont plus problématiques car elles provoquent une inflation des perturbations proportionnelle à leur expansion, que les colonies de sternes ne peuvent pas supporter. Certaines de ces espèces, comme les chiens errants, le Vison d'Amérique ou les rats sont suffisamment efficaces pour tuer des sternes adultes et provoquer l'anéantissement brutal d'une colonie. Ainsi deux attaques de la colonie de l'île aux Dames en 1991 et 1997 par le Vison d'Amérique se sont soldées par la destruction d'une cinquantaine d'adultes reproducteurs, soit un quart de la population française mature.

Modification de l’habitat

Certains sites peuvent subir des modifications naturelles ou être imputables à l'homme notamment indirectement à cause d'espèces animales introduites tels que le Lapin Oryctolagus cunniculus et le Ragondin Myocastor coypus qui peuvent altérer la structure de la végétation et celle du sol en creusant des terriers. Ainsi, l'expérience communiquée par un projet Life aux Açores (LIFE94 NAT/P/001034) a montré que l'éradication des lapins permettait la recolonisation en nombre par les Sternes de Dougall sur des îlots d'où elles avaient disparues.

Enfin, en Afrique, le piégeage par les enfants dans la partie occidentale du continent, singulièrement au Sénégal constitue une menace pour cette espèce (Stienen et al., 1998).

Propositions de gestion

Un site favorable aux Sternes de Dougall doit nécessairement l'être aussi au moins pour la Sterne pierregarin (voire la Sterne caugek) puisqu'elle ne nichera pas sans sa cousine. Ceci ne signifie pas pour autant que tous les sites favorables à la Sterne pierregarin le sont aussi pour la Sterne de Dougall. Ce qu'il faut retenir de l'expérience de 50 années de suivis et de conservation des sternes en Bretagne, est que la création d'une réserve grâce à un statut juridique n’est efficace pour la conservation des sternes que si elle s'accompagne d'actions de gestion clef, tels que le gardiennage saisonnier et le contrôle de certains prédateurs (espèces commensales et invasives).

Limiter le dérangement

En Bretagne, les colonies de Sterne de Dougall sont protégées par des arrêtés préfectoraux de protection de biotope qui en interdisent l’accès de début avril à fin août. L’intérêt de ces arrêtés pour la tranquillité des colonies est lié au gardiennage saisonnier dont elles bénéficient. Le gardiennage quotidien de début mai à fin août est mené par des saisonniers indemnisés et formés bénévolement par le milieu associatif. Cette présence indispensable sur le terrain est rendue possible par le soutien des collectivités (Conseils généraux et régionaux) et de l'État. Il s’agit là d’une solution efficace pour limiter les effets de l’augmentation de la fréquentation nautique, et sans de telles mesures, les tentatives de reproduction de l’espèce se soldent par des échecs. La fréquentation humaine constituerait la première des menaces si les principales colonies de l’espèce n’étaient pas surveillées.

Limiter la prédation

Les années 1977 à 1980 correspondent au démarrage des premières véritables actions de conservation en faveur des sternes et consistaient à éradiquer les goélands argentés nicheurs (JONIN, 1989) et à piéger les rats. En 2006, ces efforts d’éradication sont toujours d’actualité, bien que le Vison d’Amérique soit maintenant le prédateur le plus craint des gestionnaires de réserves, après l’homme. Le piégeage doit être sélectif au moyen notamment de pièges dits « boîte à fauve » et sans utilisation du poison. Les Goélands bruns et marins sont des espèces strictement protégées pour lesquelles aucune opération de régulation n'est possible. Aucune mesure d'effarouchement n'a été tentée sur ces deux espèces de goélands.

Poser des nichoirs

Le Sterne de Dougall ayant une reproduction semi-hypogée, elle affectionne particulièrement les nichoirs en bois (RSPB, 1991) ou faits de matériaux naturels tels que les galets (LE NEVÉ, 2005b).

Autres mesures de gestion

Les mesures de gestion conservatoire consistent à poser puis retirer le balisage maritime en mars et en septembre, à faucher la végétation par placettes et assurer le suivi biologique des colonies, comme c’est déjà pratiqué sur les sites protégés par arrêtés préfectoraux (Bretagne Vivante - SEPNB, 2005).

Un projet européen Life-Nature (Bretagne Vivante - SEPNB, 2005)

Depuis novembre 2005 et jusqu'au 31 octobre 2010, un projet Life sur « la conservation de la Sterne de Dougall en Bretagne » est en cours. Il a pour objectif de promouvoir la croissance de la colonie actuelle de l'île aux Dames, par la stabilisation et l'optimisation de la production (moins de fluctuations interannuelles), et de favoriser le retour de sa reproduction sur quatre autres sites en Bretagne : l'île de la Colombière (Côtes d'Armor), l'île de Trévorc'h et l'île aux Moutons (Finistère) et le Petit Veizit (golfe du Morbihan). Pour cela, le projet reprend les recommandations du plan d'action international et propose des actions concrètes : contrôle des prédateurs et des lapins, gardiennage, installations de colonies attractives artificielles et de nichoirs, gestion de la végétation, information et sensibilisation des usagers...

Un plan d'action international

Un plan d'action international pour la conservation de l’espèce est rédigé tous les quatre ans par le Conseil de l’Europe et BirdLife International (BIRDLIFE INTERNATIONNAL, 2002). Le dernier document date de 2002 et formule des priorités de conservation pour la population de l’est de l’Atlantique (France, Irlande, Portugal, Royaume-Uni et zone d’hivernage : Ghana et Sénégal) : 1. assurer la protection et la gestion adéquate des sites de reproduction actuels et récemment occupés par la sterne de Dougall ; 2. encourager une coopération internationale pour la protection de cette population en dehors de la saison de reproduction ; 3. poursuivre les recherches pour déterminer les principaux facteurs limitant des effectifs de la population ; 4. continuer le suivi régulier de la survie et de la production sur les colonies de reproduction pour connaître les tendances de la population. Le projet Life s'attache essentiellement aux objectifs 1 et 4 du plan d'action international. Les 18 recommandations de conservation concernant la France portent essentiellement sur les points suivants :

            - la désignation de ZPS pour les « sites-clé » de la sterne de Dougall ;

            - la prévention du dérangement sur les colonies de reproduction ;

            - le contrôle des populations de prédateurs terrestres ;

            - la gestion de la végétation ;

            - la mise en place de nichoirs ;

            - l’amélioration des connaissances concernant la démographie de la sterne de Dougall ;

            - le gardiennage des sites de reproduction et de ceux occupés occasionnellement ;

            - les échanges d’informations au niveau international ;

            - l’information du public.

Études et recherches à développer

Jusqu’à présent, les ornithologues français sont restés très réticents à mettre en place un programme de baguage de la population de sternes de Dougall bretonne, en raison du statut très menacé de l’espèce et pour éviter des dérangements supplémentaires. Aujourd’hui dans le cadre du projet Life (Bretagne Vivante - SEPNB, 2005), il a été décidé de suivre les chercheurs américains, britanniques et portugais qui baguent les sternes de Dougall depuis les années 1980. Cela permettra de mieux comprendre la dynamique de la population française. Le baguage, puis le suivi des oiseaux marqués, pourront mesurer cette dynamique sur 5 ans, ce qui laissera le temps d’observer le retour, la distribution et les performances reproductrices des jeunes oiseaux bagués en début de programme. Il permettra de vérifier aussi les mécanismes intimes d’échanges entre colonies et le rôle de la population française au sein des autres colonies européennes (exportation ou recrutement d'individus ?).

Bibliographie

BirdLife International (2000).- European bird populations: estimates and trends. Cambridge, UK: BirdLife International (BirdLife Conservation Series No. 10). 160 p.

BIRDLIFE INTERNATIONAL (2002).- International (East Atlantic) Action Plan; Roseate Tern Sterna dougallii. Convention on the conservation of european wildlife and natural habitats. Conseil de l'Europe. 23 p.

BirdLife International (2004).- Birds in Europe: population estimates, trends and conservation status. Cambridge, UK: BirdLife International. (BirdLife Conservation Series No. 12). 374 p.

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Source: Cahiers d'habitat Oiseaux

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