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Oie cendrée (Anser anser)
Fig. 1 - Mark Zekhuis (Saxifraga)
Fig. 1

Oie cendrée, Anser anser (Linné, 1758)

Classification (Ordre, Famille) : Ansériformes, Anatidés

Description de l’espèce

L’Oie cendrée est la plus grande des oies sauvages européennes. Par rapport aux autres espèces, la structure du corps est plus massive, le cou plus épais et la tête plus large. Chez la sous-espèce nominale, l’ensemble du corps est gris-brun à l’exception de la partie arrière du ventre et des sous-caudales qui sont blanc pur. La partie antérieure du ventre est grise, souvent maculée de taches noires plus ou moins développées selon les individus. Les pattes sont rose chair et le bec est orangé nuancé de rose à la pointe. Certains individus ont des plumes blanches autour de la base du bec.

Récemment, des différences morphologiques entre les Oies cendrées « baltiques » et celles originaires de Norvège ont été décrites. Les premières seraient de taille plus grande avec un bec plus fort et plus long adapté à l’arrachage des parties souterraines des plantes. Les secondes, plus petites mais plus hautes sur pattes, auraient un bec plus court adapté au broutage (FOLLESTAD, in PERSSON, 1999).

Les deux sexes sont identiques. Seule la taille, en moyenne plus grande chez le mâle, peut permettre de différencier les sexes au sein d’un couple. Les juvéniles sont très semblables aux adultes mais n’ont jamais de taches noires sur le ventre.

La sous-espèce orientale est en moyenne un peu plus grande. Son plumage est dans l’ensemble plus clair et son bec est entièrement rose.

Chez les adultes, il y a une mue complète entre mai et août au cours de laquelle toutes les rémiges tombent simultanément, les rendant inaptes au vol pendant 3 à 4 semaines. Au vol, les couvertures alaires d’un gris très pâle contrastent nettement avec les rémiges brun-noir. Les sus-caudales blanc pur contrastent également avec le dos gris et la queue brun-noir bordée de blanc.

La voix est identique à celle des oies domestiques, qui descendent pour la plupart de cette espèce, et peut être entendue en vol ou posé (Tous les oiseaux d’Europe, J-C ROCHE, CD 1/plage 39).

Longueur totale du corps : 75 à 90 cm. Poids :de 2,5 à 4,5 kg chez le mâle et de 2 à 4 kg chez la femelle.

Difficultés d’identification (similitudes)

Quatre autres espèces d’oies « grises » du genre Anser peuvent être rencontrées en France. Du fait de leur teinte générale assez semblable, des difficultés d’identification existent à distance avec l’Oie cendrée, d’autant qu’elles s’associent volontiers à elle.

L’Oie des moissons Anser fabalis est en moyenne un peu plus petite, avec les parties supérieures nettement plus sombres contrastant avec une poitrine claire non barrée. Les pattes sont oranges et le bec noir et orange, ces deux couleurs étant en proportion variable selon les sous-espèces et les individus.

L’Oie rieuse Anser albifrons est sensiblement plus petite que l’Oie cendrée. Sa teinte générale est plus foncée et les adultes sont fortement barrés de noir sur le ventre. Les pattes sont oranges et, chez A. a. albifrons, la sous-espèce rencontrée en France, le bec est rose avec une tache blanche bien marquée sur le front et la base du bec.

L’Oie à bec court Anser brachyrhynchus, plus rare, est nettement plus petite que l’Oie cendrée. Les parties supérieures sont gris clair, contrastant avec la tête et le cou gris-brun foncé. Le bec est court et noir avec un anneau rosâtre. Les pattes sont rose chair à rose vif.

L’Oie naine Anser erythropus, observée occasionnellement, ressemble à une Oie rieuse en miniature, mais l’adulte a un front blanc plus développé s’étendant jusqu’au sommet du crâne. Les pattes sont oranges et le bec est court, rose et mince. Adultes et jeunes présentent un cercle orbital jaune.

En vol, les parties supérieures des Oies des moissons, rieuse et naine sont plutôt uniformes et sombres. Seule l’Oie à bec court, bien différente par ailleurs, présente comme l’Oie cendrée des couvertures alaires gris-bleuté.

Répartition géographique

Contrairement aux autres oies du genre Anser qui se reproduisent dans les régions arctiques, l’Oie cendrée a une très large distribution dans les zones boréales et tempérées du continent eurasiatique. C’est une espèce polytypique pour laquelle deux sous-espèces ont été décrites :

Anser anser rubrirostris niche au Sud-Est de la Turquie et à l’Ouest de la Sibérie jusqu’à la Sibérie orientale. Les individus les plus occidentaux hivernent autour de la Mer Caspienne, les autres de l’Irak au Sud-Est de la Chine.

Anser anser anser a été divisée en cinq populations biogéographiques plus ou moins bien circonscrites (OGILVIE, 1978, HUDEC, 1984, MADSEN, 1987, MADSEN et al., 1999) :

Une population islandaise qui hiverne en Ecosse, en Irlande et dans le Nord de l’Angleterre

Une population écossaise qui, particularité remarquable chez cette espèce, est sédentaire.

Une population du Nord-Ouest de l’Europe qui niche en Norvège, Danemark, Sud et Est de la Suède, Allemagne, Ouest de la Pologne, Pays-Bas et Belgique. Elle hiverne au Pays-Bas, au Sud du Danemark, en France, en Espagne, au Portugal et au Maroc, et plus marginalement dans le Sud de la Norvège et de la Suède et au Nord de l’Allemagne.

Une population du Centre et du Nord-Est de l’Europe qui niche au Nord-Est de la Suède, en Finlande, Biélorussie, Estonie, Lettonie, Lituanie, République Tchèque, Slovaquie, Autriche, Hongrie et l’Est de la Pologne. Elle hiverne principalement en Tunisie et en Algérie, et depuis quelques années en Italie.

Une population de l’Est de l’Europe qui niche à l’Ouest et au Nord-Ouest de la Mer Noire en Ukraine, au Sud de la Russie, en Roumanie et en Bulgarie, ainsi qu’en Croatie, Moldavie et au Nord de la Grèce. La plupart hiverne à l’Ouest de la Mer Noire, les autres en Turquie et au Nord de la Syrie.

Il s’agit là de la répartition naturelle de l’espèce. Il existe également des petites populations introduites ou réintroduites et toutes sédentaires en Allemagne, Autriche, Belgique et en France, et une population importante en Grande-Bretagne, forte actuellement de 30 000 individus.

En France, l’espèce niche dans le Pas-de-Calais, en Camargue, en Vendée, dans la Somme, en Gironde, en Charente-Maritime, dans la Meuse, en Moselle et dans le Bas-Rhin (MASSEZ, in SERIOT et al., 2004). Les principaux sites d’hivernage en 2004 étaient par ordre d’importance décroissante : la Réserve Naturelle de la baie de l’Aiguillon (Vendée-Charente-Maritime), le lac du Der (Marne-Haute-Marne), le marais d’Orx (Landes), la Réserve Nationale et la réserve volontaire de la Tour du Valat en Camargue (Bouches-du-Rhône), le marais d’Orx (Landes), la Réserve Naturelle de Moëze (Charente-Maritime), la Réserve Naturelle du Vigueirat (Bouches-du-Rhône) et la Réserve Naturelle de St Denis-du-Payré (Vendée) (DECEUNINCK et al., 2004).

Ecologie

Pour nicher, les Oies cendrées recherchent la sécurité de marais ou de roselières impénétrables, ou d’îlots bien séparés des berges des plans d’eau. Les sites de nidification doivent également, par la richesse de leur végétation, fournir une nourriture abondante et aisément accessible. Pour peu que ses exigences de sécurité et d’alimentation soient satisfaites, l’Oie cendrée peut s’installer dans tous les types de milieux humides vastes et ouverts, de la zone boréale aux steppes de l’Europe centrale et d’Asie.

En hiver, les Oies cendrées fréquentent les estuaires et les baies abritées, les vastes plaines marécageuses, les zones d’inondation et les lacs. Ces plans d’eau servent de lieu de remise et sont utilisés avant tout pour le repos ou comme points de repli lors de dérangements sur les lieux de gagnage. Les terrains d’alimentation peuvent être très divers : marais ou prairies faiblement inondés, pré-salés littoraux. S’y ajoutent des chaumes de céréales et des terrains cultivés. Lorsque les oies fréquentent ces terrains après la récolte, elles glanent les grains tombés au sol ou les tubercules non ramassés. Mais elles peuvent aussi parfois brouter sur des prairies artificielles ou des champs de céréales en croissance

Comportement

Lorsque la nourriture est abondante, on observe deux pics d’activité alimentaire bien marqués, l’un à l’aube et en matinée, l’autre en fin de journée. Quand l’assèchement des terrains d’alimentation rend la nourriture moins accessible, ou lors des haltes migratoires quand les besoins énergétiques sont importants, cette activité peut occuper la journée entière. Habituellement, les périodes d’alimentation sont entrecoupées de brefs retours sur les zones de remise où les oies vont s’abreuver lorsqu’elles ne peuvent le faire sur les zones de gagnage. Ces zones de remise et de gagnage sont souvent proches l’une de l’autre et parfois même confondues.

Les Oies cendrées sont très grégaires et se regroupent en bandes pouvant compter plusieurs centaines à plusieurs milliers d’individus. Une organisation sociale existe au sein de ces bandes où l’unité est moins souvent l’individu que le groupe familial, le couple ou le groupe d’immatures. En migration, les Oies cendrées se déplacent aussi bien de jour que de nuit, à des altitudes variables selon les conditions météorologiques. Pour ces déplacements, elles adoptent des formations de vol en « V », en chevrons ou moins souvent en lignes.

En France, la migration post-nuptiale commence parfois dès septembre, mais surtout à partir de début octobre et s’achève vers la mi-décembre. A cette occasion, les oies qui vont hiverner dans la péninsule ibérique survolent la France en plusieurs vagues. Le premier afflux notable a lieu dans la deuxième quinzaine d’octobre, suivi d’un deuxième vers la mi-novembre. Ces deux vagues de passage concernent principalement les Oies cendrées « baltiques ». D’autres mouvements ont lieu fin novembre et début décembre et concernent alors surtout les oies originaires de Norvège (FOUQUET, 1991, PERSSON, 1993, ANDERSSON et al., 2001). Au cours de la migration post-nuptiale, la plupart des Oies cendrées rejoignent directement leurs sites d’hivernage. Les haltes migratoires sont donc peu nombreuses en France et généralement de courte durée.

Les premières oies cendrées commencent leur migration de retour début février (ORNIS, 2001) voire fin janvier pour les individus les plus précoces (LEFEUVRE, 1999). Le flux migratoire perdure jusqu’à la mi-avril, exceptionnellement plus tard. Au cours de cette migration pré-nuptiale, les haltes sont régulières et concernent certaines années plusieurs milliers d’oiseaux, notamment dans le Centre-Ouest de la France et dans la Somme (FOUQUET, op.cit ; TRIPLET & LECOMTE, 1996). Il est probable que les années à forts stationnements correspondent à celles où, dans le Sud de l’Espagne, les conditions d’hivernage sont difficiles et les ressources alimentaires insuffisantes en fin d’hiver (FOUQUET, op. cit.). Les Oies cendrées peuvent alors être amenées à fréquenter des terres cultivées où leur impact sur les récoltes futures peut s’avérer négatif lorsque la fréquentation se prolonge, surtout en fin d’hiver et au printemps (ERNST, 1991, PATTERSON, 1991). Néanmoins, l’impact est le plus souvent insignifiant et peut même être bénéfique. Il a été montré que le piétinement favorise le tallage des céréales alors que le broutage limite la croissance des pailles et donc la prise au vent. En outre, les fientes laissées sur place sont riches en azote et rapidement assimilables par les plantes (KEAR, 1963). En dehors de ces cas particuliers, les conflits d’utilisation de l’habitat entre l’homme et l’Oie cendrée sont le plus souvent défavorables à celle-ci : drainage, comblement, aménagement, fréquentation perturbatrice sont autant de facteurs qui rendent de vastes milieux humides inutilisables par les oies. Par contre, l’eutrophisation de plans d’eau et l’accroissement de la production végétale qu’elle entraîne peuvent leur être favorables. Il en est de même de la fertilisation des prairies qui améliore l’appétence et les qualités nutritives de l’herbe. Le développement de certaines cultures leur a aussi offert de nouvelles possibilités d’alimentation hivernales, du moins lorsque les champs ne sont pas travaillés juste après la récolte (YESOU, 1989).

Reproduction et dynamique de populations

Chez l’Oie cendrée, les couples se forment à l’âge de 1 à 2 ans mais la maturité sexuelle n’est généralement acquise qu’à 3 ou 4 ans. Les partenaires, unis pour la vie, restent ensemble toute l’année, même durant la période d’inactivité sexuelle. Le nid est placé soit au sol, soit sur un amas de végétation flottante, souvent en situation ombragée. Il est formé de végétaux empilés avec souvent des branchettes ou des tiges épaisses à la base, puis des matériaux variés tels que herbes, roseaux ou bruyère. L’intérieur du nid est garni d’herbe, puis de duvet lorsque débute l’incubation. Les couples s’installent souvent isolément mais peuvent former de véritables colonies dans les régions à forte densité, avec parfois des nids espacés de moins de deux mètres. La saison de ponte débute fin mars et atteint son maximum à la mi-avril dans les îles britanniques et à la fin avril au Danemark. Elle est décalée d’un mois aux latitudes plus septentrionales comme en Islande et en Norvège et, à l’inverse, particulièrement précoce en France (dès février). Les œufs sont pondus à 24 heures d’intervalle et sont au nombre de 4 à 7 (6 en moyenne). Les pontes plus importantes (jusqu’à 14 œufs) sont dues à plusieurs femelles. Il n’y a normalement qu’une ponte annuelle mais les pontes détruites peuvent être remplacées. La femelle assure seule l’incubation qui commence à la ponte du dernier œuf et dure 27 à 28 jours. Tous les œufs d’une ponte éclosent simultanément et les oisons, nidifuges, s’alimentent seuls dès leur naissance. Les jeunes sont aptes au vol au bout de 50 à 60 jours. La principale période d’envol se situe de la fin juin à la mi-juillet au Danemark et en Allemagne et début août en Norvège. Les jeunes restent avec leurs parents durant tout l’automne et ne les quittent que lorsque les adultes vont se réinstaller sur les sites de reproduction (CRAMP & SIMMONS, 1977, OGILVIE, op. cit., RUTSCHKE, 1987)

Le succès de la reproduction varie selon les années et les régions. Pour la population islandaise qui hiverne dans les îles britanniques, les jeunes de l’année forment de 9% à 45% de la population automnale, avec en moyenne 1 à 4 jeunes par couple ayant produit. En Suède, le nombre moyen d’oisons produit par couple ayant réussi sa reproduction est de 3,7 (OGILVIE, op. cit., NILSSON & PERSSON, 1996).

La longévité maximale observée est d’un peu plus de 23 ans (STAAV, 1998).

Régime alimentaire

Le régime alimentaire de l’Oie cendrée est composé exclusivement de végétaux qu’elle consomme sous forme de racines, bulbes, tubercules, graines et feuilles. L’Oie cendrée « baltique » consomme principalement les rhizomes de Scirpe (Scirpus sp.), de Massette (Typha sp.) et de Roseaux (Phragmites sp.). D’autres plantes aquatiques comme les prêles (Equisetum sp.), les Glycéries (Glyceria sp.), les Potamots (Potamogeton sp.), les Baldingères (Phalaris sp.) et les Lentilles d’eau (Lemna sp.) sont aussi couramment consommées. Les Oies cendrées norvégiennes s’alimentent surtout des parties aériennes de graminées et d’autres plantes prairiales comme les Fétuques (Festuca sp.), les Chiendents (Elymus sp.), les Trèfles (Trifolium sp.), les Ray-grass (Lolium sp.), les Pâturins (Poa sp.), les Pissenlits (Taraxacum sp.), les Laiterons (Sonchus sp.) et les Chénopodes (Chenopodium sp.) (CRAMP & SIMMONS, op. cit.). Localement, l’Oie cendrée fréquente aussi des terres cultivées et peut y déterrer racines et tubercules de carottes, pommes de terre, navets, rutabagas et betteraves. Elle se nourrit parfois de céréales (blé, orge, avoine, maïs) et de colza, le plus souvent laissés au sol après la récolte. En halte migratoire dans le Centre-Ouest de la France (Deux-Sèvres), l’Oie cendrée s’alimente surtout sur les prairies pâturées, les ray-grass, les chaumes de maïs et plus occasionnellement sur les céréales d’hiver (FOUQUET, op. cit.). En hivernage sur les pré-salés de la baie de l’Aiguillon, c’est très majoritairement la Glycérie maritime (Puccinellia maritima) qui est consommée. Dans les marais d’Orx (Landes), les hivernants exploitent les pousses de Jonc épars (Juncus effusus) et de Baldingère (Phalaris arundinacea) et, à défaut, les immenses herbiers à Jussies (Ludwigia peploides). Mais en fin d’hivernage et lors des haltes migratoires pour les oiseaux qui remontent d’Espagne, ce sont les prairies à ray-grass qui sont fréquentées (DELPRAT et al., 2001).

Habitats de l’annexe I de la Directive Habitats susceptibles d’être concernés

1130 - Estuaires (Cor. 11.2 et 13.2)

1160 - Grandes criques et baies peu profondes (Cor. 12)

1320 - Prés à Spartina (Spartinion maritimae) (Cor. 15.2)

1330 - Prés-salés atlantiques (Glauco-Puccinellietalia maritimae) (Cor. 15.3)

31 - Eaux dormantes (Cor. 22.11x22.31, 22.11x22.34, 22.11x(22.31&22.32), 22.12x22.44, 22.13x(22.41&22.421), 22.14, 22.34)

6440 - Prairies alluviales inondables du Cnidion dubii (Cor. 37.23)

NB : à ce dernier habitat, il conviendrait d’ajouter l’équivalent occidental du Oenanthion fistulosae, non retenu par la directive européenne mais tout aussi remarquable et très exploité par l’Oie cendrée dans l’Ouest de la France.

Statut juridique de l’espèce

Espèce dont la chasse est autorisée, inscrite aux Annexes II/1 et III/2 de la Directive Oiseaux, à l’Annexe III de la Convention de Berne et à l’Annexe II de la Convention de Bonn.

Espèce listée en catégorie C1 (population Europe du Nord/Méditerranée Ouest) dans l’Accord sur les Oiseaux migrateurs d’Afrique-Eurasie (AEWA) : population supérieure à 100 000 individus, susceptible de bénéficier dans une large mesure d’une coopération internationale.

Présence de l’espèce dans les espaces protégés

Ses principaux sites d’hivernage ou de rassemblements pré-migratoires en Europe sont tous des espaces protégés ou hors chasse, du moins pour ce qui concerne les zones de remise. En France, les principaux sites d’hivernage bénéficient également de différents statuts de protection (Réserve Naturelle, Réserve Nationale de Chasse et de Faune Sauvage…) : Baie de l’Aiguillon, Réserve de Moêze, Marais d’Orx, lac du Der… C’est le cas également de la grande majorité des sites qui accueillent actuellement les petites populations nicheuses (réserve du Platier d’Oye, domaine du Marquenterre, réserve de St Denis-du-Payré, parc ornithologique du Teich, réserves de Camargue et du Vigueirat…) (DUBOIS et al., 2001, MASSEZ, in SERIOT et al., op.  cit.)

Etat des populations et tendances d’évolution des effectifs

L’Oie cendrée à un statut de conservation favorable en Europe. A partir des estimations les plus récentes, les effectifs en janvier des différentes populations biogéographiques s’établissent comme suit (DELANY & SCOTT, 2002) :

Islande : 89 100 individus ; Ecosse : 9 000 individus ; Nord-Ouest de l’Europe : 400 000 individus ; Centre de l’Europe : 25 000 individus ; Turquie et Mer Noire : 85 000 individus.

Si l’on ajoute les 30 000 individus de la population férale de Grande-Bretagne et les 250 000 ou plus de la population de la Mer Caspienne et de Russie occidentale, le nombre total d’Oies cendrées de l’Ouest Paléarctique est estimé à au moins 850 000 individus. L’ensemble de ces populations sont considérées actuellement comme stables ou en augmentation. Au cours des années 1970, la population du Nord-Ouest de l’Europe, a vu ses effectifs s’accroître de façon spectaculaire. Jusqu’au début des années 1970, elle était estimée entre 25 000 et 30 000 individus, puis à 80 000 en janvier 1979, à 114 000 en janvier 1989 et à 204 000 en janvier 1995. Actuellement, cette population hiverne principalement au Pays-Bas (120 000 individus) et en Espagne, dont 70 000 individus dans les Marismas du Guadalquivir et 40 000 à Villafafila dans la région de Zamora au Nord-Ouest du pays, ce dernier site accueillant surtout des Oies cendrées d’origine norvégienne. D’autre part, 14 000 individus hivernent aussi en Allemagne, 16 000 au Danemark, 2 700 en Belgique, 1 200 au Portugal et 1 000 au Maroc (MADSEN et al., op. cit., KAMPE-PERSSON, 2002).

Parallèlement à cet accroissement de la population du Nord-Ouest de l’Europe, l’effectif hivernant en France a augmenté sensiblement, surtout à partir du début des années 1980 et a atteint l’effectif record de 14 610 en janvier 2003 (DECEUNINCK et al., op. cit.). Le statut de conservation de la population hivernant en France est estimé « Rare » et celui de la population nicheuse, « Vulnérable » (ROCAMORA & YEATMAN-BERTHELOT, 1999). Cependant, le nombre de nicheurs augmente chaque année en France et était estimé à 86 couples en 2002 (MASSEZ, in SERIOT et al., op. cit.).

Les raisons de l’augmentation importante de la population du Nord-Ouest de l’Europe ne sont pas toutes connues, mais il est probable que la diminution de la pression de chasse dans plusieurs pays (réduction de la période de chasse et/ou limitation du nombre d’oiseaux prélevés) et l’amélioration des capacités d’accueil des sites d’hivernage et de mue y ont fortement contribué. Dans le Sud de l’Espagne, la chasse aux oies, autrefois autorisée à l’intérieur même du Parc National de Doñana, y a été interdite à partir de 1983. Parallèlement, des sites aujourd’hui cruciaux pour l’espèce ont été mis en réserve, particulièrement à Villafafila au Nord-Ouest de l’Espagne et à Oostvaardersplassen au Pays-Bas, lui assurant un taux de survie hivernal considérablement plus élevé (MADSEN et al., op. cit.)

Menaces potentielles

Bien que les différentes populations européennes d’Oies cendrées ne soient pas globalement menacées, l’avenir de celle du Nord-Ouest de l’Europe pourrait dépendre, d’une part de la pérennité des capacités d’accueil de ses sites d’hivernage, d’autre part de la maîtrise du prélèvement cynégétique. En France, celui-ci n’est pas négligeable (YESOU, 2000) et a même pu être considéré comme excessif (PERSSON, 1999). L’analyse des tableaux de chasse réalisés lors de la saison 1998-1999 montre un prélèvement d’oies estimé à 20 850 (+/- 22,2%). Dans cette estimation, les trois espèces chassables en France (Oies cendrée, rieuse et des moissons) n’ont pas été dissociées, mais on sait, compte-tenu de leur abondance, de leurs répartitions respectives et de la localisation des prélèvements, que c’est l’Oie cendrée qui constitue la quasi-totalité du tableau. Celui-ci est réalisé principalement d’octobre à décembre (64%) et en février (18%), soit essentiellement pendant les périodes de migration.

La fermeture de la chasse aux oies au 31 janvier a permis de réduire de près de 20% le tableau annuel des prélèvements (SCHRICKE & YESOU, 2001).

Propositions de gestion

Compte-tenu du déclin de l’hivernage dans le Sud de l’Espagne, l’hivernage en France pourrait être amené à se développer encore. Actuellement, les principaux sites d’hivernage français bénéficient tous d’un statut de réserve, mais les stationnements y sont probablement loin d’avoir atteint les capacités d’accueil, surtout dans les départements du littoral atlantique. L’optimisation des stationnements d’Oies cendrées en France passe donc par :

- le maintien de la tranquillité nécessaire à cette espèce très sensible aux dérangements, non seulement dans les zones de remise, mais aussi dans les zones de gagnage lorsqu’elles sont dissociées. La création de réserves, notamment de réserves de chasse et de faune sauvage est alors un outil intéressant.

 - le maintien ou la mise en place de prairies inondables.

- la mise en place de cultures ou de prairies pour pallier localement l’insuffisance des ressources alimentaires ou pour prévenir d’éventuels dégâts sur les exploitations agricoles voisines des sites de remise. Une expérience de ce type a été menée avec succès par l’ONCFS près du lac du Der dans les années 1990 à la suite de dégâts dans les cultures riveraines. Elle a consisté à mettre à disposition des oies des parcelles semées principalement en ray-grass, blé et colza (MOURONVAL et al., op.cit.). Cette pratique doit être justifiée par le contexte local et demande une attention particulière sur plusieurs points dont l’utilisation d’engrais et la diversité floristique des prairies.

- la conduite pertinente de jachères fixes.

- la mise en assec temporaire de plans d’eau pour favoriser le développement de plantes aquatiques attractives (Scirpus, Roripa, Limnanthenum…)

- l’adéquation du prélèvement cynégétique sur les oiseaux en migration post-nuptiale et en hivernage.

- le maintien de la fermeture de la chasse le 31 janvier

Etudes et recherches à développer

Comme pour tous les oiseaux d’eau, des recensements sont coordonnés chaque année à la mi-janvier sous l’égide de Wetlands International. Alors qu’il existe actuellement en France des suivis des stationnements de l’Oie cendrée au cours de la période internuptiale, ils ne font pas l’objet de coordination. Compte-tenu de l’accroissement important de l’hivernage depuis quelques années, il serait souhaitable de mettre en place un suivi national mensuel pour mieux connaître l’évolution des effectifs et l’utilisation de l’espace par cette espèce entre octobre et mars, à l’instar de ce qui est fait pour la Bernache cravant Branta bernicla.

Sur les sites d’hivernage et les principaux sites de haltes migratoires, il serait intéressant d’étudier précisément les choix alimentaires et les besoins énergétiques de l’espèce, tels qu’ils sont réalisés dans un certain nombre de réserves naturelles. Ces éléments paraissent indispensables pour la gestion des milieux d’accueil et l’optimisation des ressources trophiques. 

Bibliographie

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Source: Cahiers d'habitat Oiseaux. Rédacteur de la fiche : Michel FOUQUET

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