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S'orienter ne suffit pas !

Garder le cap, c’est une chose, mais savoir précisément où aller hiverner pour des jeunes oiseaux qui n’ont encore jamais effectué de migration, ou comment retrouver l’écurie ou l’Hirondelle revient nicher chaque année, nous paraît beaucoup plus complexe. D’ailleurs, l’Homme n’est pas encore parvenu à percer entièrement ces mystères.

On distingue l’orientation par compas et la navigation. Pour mieux cerner cette différence, on peut remonter à une expérience menée dans les années 1950 sur les Etourneaux sansonnets (Perdeck 1958). Plus de 11000 individus furent capturés aux Pays-Bas et déplacés en Suisse durant leur migration postnuptiale. Les juvéniles, lors de leur première migration, ont migré selon un cap parallèle au cap original, et ont ainsi rejoint l’Espagne, une destination qui n’était normalement pas atteinte par cette population. Par contre, les adultes, qui connaissaient déjà les zones d’hivernage, ont modifié le cap pour ce rendre sur ces dernières.

Lors de la première migration postnuptiale, il semble ainsi que les jeunes oiseaux emploient principalement une orientation innée guidée par un compas biologique, alors que les adultes tendent à naviguer entre des lieux familiers.

On appelle navigation vectorielle le mécanisme permettant aux jeunes oiseaux migrant seuls de trouver leur site d’hivernage. L’individu migre le long d’un vecteur (programme directionnel hérité : compas biologique), et s’arrête lorsque le temps d’activité migratoire programmée cesse. L’acquisition génétique de la distance de migration à effectuer fut démontrée par Berthold & Querner (1981) en plaçant des jeunes Fauvettes à tète noire de populations nordiques et méridionales en cage : les premières montraient une activité de migration nocturne plus longue que les secondes, sans avoir encore jamais effectué de migration. Ce programme peut ainsi dicter à une jeune Fauvette des jardins : « vole durant 6 semaines vers le sud-ouest, puis 7 semaines vers le sud-est ». Il est suggéré que ce programme hérité soit plus complexe, et puisse prendre en compte la position géographique de l’oiseau pour compenser une éventuelle déviation. De plus, la réorientation des jeunes oiseaux observée en mer et les observations d’arrivée d’espèces accidentelles suggèrent l’existence de « plans de secours » (Mouritsen, 2001). En Europe de l’Ouest, le plan A serait : si en automne, vous vous trouvez au-dessus de l’eau au crépuscule, sans terre en vue, modifiez votre trajectoire vers le sud-est jusqu’à ce que vous rencontriez la terre ; le plan B serait : si le vent est trop fort pour mettre en œuvre le plan A, volez avec le vent jusqu’à ce que vous rencontriez la terre.

Lors de la première migration prénuptiale, beaucoup d’oiseaux n’empruntent pas le même trajet qu'ils ont effectué à l'automne. Les oiseaux se trouvent donc dans une situation similaire lors de leur première migration d’automne et de leur première migration de printemps. A une différence près : ils savent désormais où ils vont.

Ainsi, nos jeunes étourneaux déplacés des Pays-Bas à la Suisse, et qui au lieu d’hiverner dans l’Ouest de la France sont descendus jusqu’en Espagne, sont, au printemps suivant, remontés sur leurs lieux de naissance aux Pays-Bas. Il ne s’agit donc plus d’une simple navigation vectorielle chez cette espèce, comme à l’automne. Des Corneilles mantelées déplacées durant leur première migration de printemps pouvaient corriger les composants latitudinaux liés au déplacement, mais pas les composants longitudinaux.

Il est possible que lors de la première migration de printemps, les oiseaux utilisent un mécanisme de navigation hybride entre la navigation vectorielle et la cartographie graduelle (alors ici une cartographie à une seule coordonnée : le long d’un axe) détaillée ci-dessous.

En outre, la plupart des jeunes migrateurs ne reviennent pas sur leurs lieux de naissance pour se reproduire (seulement 5% des jeunes oiseaux le font, contre 40-50% des adultes, sans prendre en compte la mortalité). Il est ainsi probable que les jeunes oiseaux aient mémorisé leur latitude de naissance, et recherchent ensuite des repères paysagers rappelant leurs lieux de naissance. Si ces repères sont rapidement retrouvés, ils regagnent leurs lieux de naissance, et sinon, ils recherchent un habitat approprié situé à la latitude de naissance (Mouritsen 2003).

Chez les adultes expérimentés, presque la totalité (probablement 100%) des migrateurs au long cours ayant survécu reviennent nicher au même endroit que l’année précédente (à 1 km près). Une simple stratégie de navigation vectorielle utilisant les compas biologique et une horloge interne ne permet pas une telle précision.

Durant la navigation, les oiseaux sont capables d’utiliser leur mémoire des repères visuels. Les oiseaux préfèrent migrer par bonne visibilité, probablement pour cette raison.

Cette propriété a d’ailleurs été utilisée pour créer de nouvelles voies migratoires artificielles en guidant les oiseaux (par exemple les Oies naines) depuis un U.L.M.

L’utilisation des principaux repères topographiques pour s’orienter semble évidente : montagnes, grandes rivières, côtes. Le rôle des repères visuels dans l’orientation des migrateurs diurnes est difficile à estimer ; il est probablement très limité chez les migrateurs nocturnes (mais les villes, les plans d’eaux, les phares sont autant de repères visuels qui peuvent être utilisés de nuit). En mer, les oiseaux seraient même capable d’évaluer la distance par rapport aux côtes en fonction de la forme des vagues !

Les oiseaux ne cherchent pas uniquement à rejoindre leur site de reproduction ou d’hivernage : durant leur première migration, les oiseaux ont visité un grand nombre de sites très variés ; il est possible qu’ils mémorisent les sites les plus favorables pour reconstituer leurs réserves de graisse, et que chacune de ces haltes constitue autant de buts à atteindre à chaque étape migratoire. De même, il est probable que les sites plus pauvres soient évités lors des migrations ultérieures.

L’utilisation des repères visuels ne peut toutefois pas permettre à un oiseau déplacé dans un environnement inconnu de retrouver son territoire.

Comment les Puffins des Anglais, déplacés de l’Angleterre aux Etats-Unis, ont regagné leur site de capture en seulement 12 jours ?

Il semble que les oiseaux puissent être capables de constituer une cartographie graduelle, dont le centre neurologique serait situé dans l’hippocampe : en combinant deux différents gradients qui varient de manière systématique et prévisible à large échelle un animal peut, en théorie, déterminer sa position dans l’espace en comparant la valeur des deux composantes du gradient avec la valeur qu’il connaît être celle de son territoire (Wallraff 1974).

Les oiseaux pourraient utiliser au moins deux sortes de gradients :

  1. Un gradient magnétique (Fischer et al. 2003 et références citées dans cet article) : des récepteurs leur permettraient de mesurer la valeur d’au moins 1 ou 2 composants du champ magnétique (l’intensité et l’inclinaison, qui varient de manière graduelle) : en fonction de la valeur de ces composants sur leur territoire et en les extrapolant au territoire inconnu dans lequel il est relâché, un oiseau déplacé serait capable de calculer sa position par rapport à son territoire. Cela nécessite toutefois que ces récepteurs aient une précision extrême. Notons que les mêmes mécanismes semblent exister au moins chez les reptiles et les amphibiens.
  2. Un gradient chimique/olfactif (Wallraff, 2001). Il est de plus en plus fortement suggéré que l’olfaction joue un rôle dans la navigation. Les expériences menées sur les Pigeons voyageurs ont montré qu’un sens de l’olfaction intact était un prérequis pour des performances de navigation normales. Derrière une palissade transparente leur permettant de voir mais non de ressentir les courants d’air naturels, leur capacité à regagner leur pigeonnier était très réduite (Papi 1991). De même, des étourneaux privés de leur sens de l’odorat montraient une nette réduction de l’aptitude à retrouver leur territoire (Wallraff et al., 1995). Mieux, des pigeons déplacés dans un lieu inconnu mais exposés à des odeurs provenant d’autres lieux a permis aux expérimentateurs de prédire exactement dans quelle direction allaient s’orienter les oiseaux. Il semblerait qu’au moins certaines espèces (notamment les pigeons et les oiseaux de mer) soient capables de constituer une carte des odeurs atmosphériques, et ainsi d’associer différentes odeurs apportées par le vent avec la direction indiquée par leurs compas biologiques. Cela ne pourrait valoir que pour des lieux situés à moins de 100 km de leur territoire. Là encore les compas biologiques seraient employés pour mesurer la manière dont les odeurs varient dans l’espace.

Enfin, arrivés à proximité de leur territoire (peut-être de l’ordre de quelques dizaines de kilomètres), les oiseaux utilisent une cartographie plus géométrique, basée sur l’utilisation des repères visuels (y compris le soleil) : les oiseaux mémorisent l’angle et la distance séparant les repères visuels entre eux et avec le site précis qu’ils doivent rejoindre (Jones & Kamil 2001, Biro et al. 2005), cet angle et cette distance étant mesurés à l’aide des compas définis plus hauts (Bingman & Jones, 1994).

Tout ceci demeure à l’état d’hypothèse. Si les mécanismes biologiques d’orientation des oiseaux sont désormais assez bien connus, il reste beaucoup à comprendre sur leur manière de les employer pour la navigation.

 

Visionature
VisioNature est un outil développé avec la collaboration du réseau LPO. Grâce aux technologies Internet, débutants, amateurs et professionnels naturalistes, peuvent partager en temps réel leur découverte et ainsi améliorer la connaissance et la protection de la faune

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